
De tous les monstres de l’histoire, aucun n’est plus sanguinaire, d’après ses ennemis que Tamerlan, le guerrier Tartare qui, au XIVe siècle, bâtit un vaste empire depuis la Chine jusqu’au cœur de l’Asie Mineure. Né près de Samarkande (aujourd’hui en Union soviétique) Tamerlan est passé à l’histoire comme l’un des conquérants les plus brutaux que l’humanité ait connus.
C’est un musulman pratiquant nourri du Coran qui combat sous la bannière du Prophète. Il ne cessera, toute sa vie, de massacrer, de piller et de détruire des villes, Il n’épargne pas plus les musulmans que les chrétiens ou les païens. De 1370 à 1404, 35 années de campagnes, il va bouleverser l’Asie intérieure sans presque jamais connaître la défaite. Il commet partout d’effroyables ravages, fait élever à l’entrée des villes qui ont tenté de lui résister des pyramides de têtes, de mains et de pieds coupés.

Bien que souvent comparé à Gengiskhan, Tamerlan diffère considérablement du fondateur de l’Empire Mongol, si comme lui il est le plus grand conquérant de son temps, si comme lui il a semé la terreur sur son passage, il n’a pas créé un État viable, ses nombreuses expéditions ont davantage eu le caractère de raids que d’entreprises conquérantes, et son gouvernement n’a rien apporté d’original aux peuples qu’il a soumis… Quoique lui-même épris de savoir et de culture, il n’a pu se concilier les tenants des civilisations traditionnelles d’Asie centrale et d’Asie occidentale. Il a laissé un nom dans l’histoire, pour avoir conduit son armée Turco-Mongole de la Volga à Damas, de Smyrne au Gange et à la Haute-Asie. Mis à part Alexandre le Grand il est le plus grand conquérant, ses armées ont traversé l’Eurasie de Delhi à Moscou, des montagnes de Tien Shan en Asie centrale aux montagnes du Taurus en Anatolie. Dès 1369 il installe sa capitale à Samarkande. Mais par manque d’organisation son œuvre, a disparu avec lui.
Timour (l’Homme de fer), surnommé plus tard Lenk, le nom est dérivé du persan Timur-i lang «Timour le Boiteux » Tamerlan par les Européens au cours du XVIe siècle, est né le 8 avril 1336 à Kesh (la ville verte), au sud de Samarkande, dans une famille d’origine Turque que ses biographes officiels ont prétendu faire descendre de Gengis-khan: en fait, il n’a été associé aux Gengiskhanides que par son mariage en 1397 avec la fille du dernier khan de Djaghataï, Khizir Khodja… La Transoxiane constitue alors une sorte de confédération Turque dans laquelle Taragaï, père de Tamerlan, règne en 1360, la Transoxiane est à nouveau intégrée au Djaghataï par Tughlu.
Comme Gengis Khan,Tamerlan est un dirigeant nomade, mais contrairement à Gengis Khan, il est le premier a avoir fondé sa force sur l’exploitation des populations sédentaires, en héritant d’un système de gouvernement qui peut englober à la fois les populations sédentaires et nomades. Tamerlan a construit un empire puissant et est devenu le dernier des grands chefs nomades. Son armée est perçue comme un énorme conglomérat de peuples comprenant des musulmans, des chrétiens, des Turcs, des Tadjiks, des Arabes, des Géorgiens et des Indiens. Son armée est composée de «Tumen » (habitants des confins de la Russie de Chine et de Corée) ,d’unités militaires prises dans les territoires conquis. Les chefs sont choisis dans sa famille et dans les tribus fidèles les Barlas, les Jalayir, les Moghols, la Horde d’Or et de l’Anatolie, mais aussi parmiles soldats sédentaires de langue Persane… Ni l’âge ni les infirmités ne l’on arrêté dans ses conquêtes.
1358 Qazghan (son beau-père) est assassiné. Tamerlan poursuit et tue les assassins puis revient à Kech où, depuis que son père est mort, le pouvoir est disputé entre son oncle Hadji Barlas et d’autres nobles.
Tughlug Temür, le khan Djaghataïdes du Mogholistan, arrive en Transoxiane en 1360 pour reprendre le pouvoir de ses ancêtres. Hadji Barlas s’enfuit et Tamerlan se rallie au khan Mongol. Il est nommé régent de Transoxiane par Tughlug Temür et entre en conflit avec son oncle Hadji Barlas. Tughlug Temür intervient et le fait assassiner. Le fils de Tughlug Temür, Ilyas Khodja, est nommé vice-roi, Tamerlan est alors nommé simple conseiller. Ce dernier ne l’accepte pas, se révolte et Tughlug Temür intervient à nouveau.Tamerlan est obligé de s’enfuir avec sa femme Aldjaï et une vingtaine de guerriers.
Il s’allie alors avec son beau-frère Mir Husaïn, lui-même dépossédé de son fief en Afghanistan et livre bataille contre l’émir de Khiva.
Mais Tamerlan est à nouveau obligé de fuir avec un seul compagnon et sa femme. Il est fait prisonnier à Merv. Il s’évade et reconstitue une petite armée faite de mécontents au régime en place, et s’introduit dans Sarmakande déguisé en mendiant. La conspiration échoue, il s’enfuit à nouveau vers le sud et retrouve Mir Husaïn. Les deux groupes s’engagent comme mercenaires au profit de l’émir du Sistan (nord Afghanistan), puis cet émir se retourne contre eux. Nous sommes maintenant en 1363. Au cours d’un combat contre l’émir du Sistan, Tamerlan est blessé par des flèches à la cuisse droite et au coude droit Il a 27 ans… Après une défaite contre l’armée de 20 000 hommes de Ilyas Khodja sur les rives de l’Amu Darya, Tamerlan remporte sa première grande victoire contre Ilyas Khodja près du pont de pierre de la rivière Wakhch. Ilyas Khodja rentre à Almalik au Mogholistan suite à l’annonce du décès de son père Tughlug Temür. Tamerlan prend Kech. Puis il vainc à nouveau Ilyas Khodja près de Samarkande et libère la Transoxiane. Afin de légitimer son pouvoir, Tamerlan fait nommer un khan fantoche, Kabul Chah (arrière petit-fils de Duwa).
1365, à la Bataille des bourbiers contre Ilyas Khodja, près de Tachkent, Tamerlan est défait et il entre en conflit avec son beau-frère Mir Husaïn . Mais Ilyas Khodja ne profite pas de sa victoire, il échoue contre Samarkande et est assassiné, la Transoxiane est à nouveau libérée. Cette même année Tamerlan perd son épouse, Aldjaï.
1366, Tamerlan prend Karchi, puis Balkh. La guerre contre Mir Husaïn continue et celui-ci capitule et disparaît, sans doute assassiné sur l’ordre de Tamerlan. 10 avril 1370, au cours d’un Quriltaï, Tamerlan se fait proclamer grand émir, « emir el kebir ». Il épouse Saray Malik-khatun, fille du khan djaghataïde Qazan puis fait assassiner le khan fantoche Kabul Chah et le remplace par un Mongol Ogodaïs, Soyurghatmich (1370-1388), puis par le fils, Mahmud-khan (1388-1402).
1371 /1372, il fait la guerre contre le Mogholistan dont le chef est désormais Qamar ed-Din, l’assassin de Ilyas Khodja.
1373, campagne contre le Kharezm. La fille du chah de Kharezm, la princesse Khan Zane est mariée à Djahangir, fils de Tamerlan et le Kharezm se soumet
1375, Tamerlan entre à nouveau en guerre contre le Mogholistan. Il capture une fille de Qamar ed-Din et s’unit à elle. Toqtamich, descendant de Gengis Khan, vient demander l’assistance de Tamerlan pour accéder au pouvoir dans le territoire de la Horde Blanche (nord de la mer d’Aral), lequel est aux mains d’Urus Khan (Tamerlan vouera une longue amitié à Toqtamich en dépit des guerres qu’ils se feront).
1377, après 3 défaites et avec l’aide de Tamerlan, Toqtamich accède au pouvoir et devient khan de la Horde Blanche, puis en battant le « maire du palais » Mamaï près de la Kalka, il devient khan de la « Horde d’Or » (1382).
1379,Tamerlan assiège Urgendj, capitale du Kharezm, prise de la ville et pillage. Mort du chah de Kharezm, Yusuf Sufi.
1381, Tamerlan débute la conquête de l’Iran. Prise de Herat. Suite à une révolte, la ville de Herat est prise une seconde fois par Miran Chah, fils de Tamerlan. La répression est féroce (des pyramides de têtes coupées sont érigées). Le malik de Hérat meurt en prison. Poursuite de la campagne dans le Khorassan (prise de Kalat, de Nichapur) Prise d’Isfarayin dans le Mazandéran (massacre de la population), puis en 1384 d’Astarabad, la capitale. Le souverain du Mazandéran est décapité en 1386…
1383, 6ème expédition contre le Mogholistan et expédition contre le Sistan, prise de la capitale Zarendj, puis de Kandahar.
1386, Tamerlan attaque l’Iran occidental. Il commence par le Louristan (au nord d’Ispahan), puis l’Azerbaïdjan (Tabriz est épargnée car elle s’est rendue), la Géorgie (Tiflis est réduite en cendres).
1387, Tamerlan passe l’hiver au Karabagh, est attaqué par son ancien protégé Toqtamich, khan de Kiptchaq (ou de la « Horde d’Or »). Ce dernier est vaincu mais, curieusement, Tamerlan lui pardonne. Il continue sa campagne en Arménie (prise d’Erzurum, soumission de l’émir d’Erzindjan, prise de Van et massacre) et sa campagne dans le royaume mozafféride dont le prince est Zaïn el-Abidin. Prise de Hamadan.
1387, Ispahan se révolte et la ville est martyrisée (45 tours de 1000 à 2000 têtes coupées sont érigées autour des remparts). Chiraz, la capitale, se rend. Elle est épargnée. Tamerlan rencontre le poète persan Hafiz (1329-1390). Fin novembre, Tamerlan rentre à Samarkande pour repousser Toqtamich qui a envahi la Transoxiane.
1388, il part en guerre contre Toqtamich qui a envahi le Ferghana avec l’aide de Qamar ed-Din, khan du Mogholistan.
1389, Tamerlan lance la dernière expédition contre le Mogholistan. Qamar ed-Din disparaît. Khizir Khodja, héritier légitime de la lignée djaghataïde, retrouve le trône du Mogholistan. Il donne sa fille aînée en mariage à Tamerlan. 1391, Tamerlan part en campagne contre Toqtamich. Il le poursuit dans les steppes au nord de la mer d’Aral, marche pendant 18 semaines, sur une distance 2800 km. La bataille, près d’Orenbourg (à Koundouztcha) commence le 9 juin 1391 et dure 3 jours.Tamerlan est victorieux. Il nomme Timur Qutlug, petit-fils d’Urus Khan, gouverneur.
1393, il fait campagne en Iran contre un prince mozafféride qui a refait l’unité du pays : Chah Mansur. Une bataille se déroule près de Chiraz, Tamerlan la gagne et la tête de Chah Mansur est jetée à ses pieds par Chah Rukh le fils de ce dernier. Ensuite il se lance vers l’Iraq et entre dans Bagdad sans combat. Le sultan Ahmed Djélaïr (dernier représentant de la dynastie mongole des Djélaïrides) s’enfuit en Egypte.
1394, Il pacifie le nord de l’Iran. Le sud est occupé par son fils Miran Chah. Un deuxième fils de Tamerlan est tué : Omar Chaïkh.
15 avril 1395 : Tamerlan bat les forces de Toktamich sur les bords du Terek. Il investit Timur Qutlug de la couronne du khanat de Kiptchaq et poursuit Toqtamich le long de la Volga, puis à l’ouest jusqu’au Don et ensuite descends vers la mer d’Azov (pillage de Tana, entrepôt de commerce). Il passe au Kouban (pillage malgré la résistance des Tcherkesses) et en Géorgie. Il remonte au nord et prends d’assaut Astrakhan, qui est rasée. Peu après, il fait subir à Saraï, capitale du khanat de Kiptchaq, le même sort. Toqtamich se réfugie en Lituanie…Tamerlan rentre à Samarkande et y reste 2 ans avant de repartir.
1397, il prépare la conquête de l’Inde. Tamerlan a maintenant 60 ans. Le sultanat de Delhi est en décomposition. Il est aux mains de Mahmud Chah II.
Pir Muhammad, petit-fils de Tamerlan est gouverneur de l’Afghanistan.
1398, Pir Muhammad traverse l’Indus et prend la ville de Multan. Un autre petit-fils, Muhammad Sultan, attaque par le sud-est. Tamerlan traverse l’Hindu Kush et réduit avec difficultés les tribus kafirs. Il opère la jonction avec Pir Muhammad.
17 décembre 1398, il prends la ville de Delhi après la mise en déroute de Mahmud Chah II et de son armée comprenant 120 éléphants de guerre.
Contre la volonté de Tamerlan ses troupes pillent Delhi et massacrent ses habitants.
1399, Il traverse le Gange. Son état de santé se détériore, il s’arrête puis rebrousse chemin. Il est rejoint par Muhammad Sultan qui a pris Lahore.
15 avril 1399, Tamerlan franchit le Syr Daria à Termez et rentre en Transoxiane.
1399, Iskandar, petit-fils de Tamerlan, envahit la Kachgarie.
1400, Les ambassadeurs de Tamerlan envoyés au sultan mamelouk d’Egypte sont emprisonnés. Tamerlan déclare alors la guerre aux Mamelouks.
août 1400, la ville Ottomane de Sivas (Turquie) est prise, dans un geste de « clémence », le conquérant promet que le sang des défenseurs de la cité ne sera pas répandu s’ils se rendent. II tient sa promesse : les 4 000 soldats Arméniens qui ont mené la résistance Turque sont tout simplement enterrés vivants. Les chrétiens de la ville sont étranglés ou ligotés et jetés dans les douves. Quant aux enfants, on les rassemble dans un champ où la cavalerie Mongole les piétine sous ses sabots, et les femmes attachées derrière les chevaux.
15/9/1400, prise de Malatya, place avancée égyptienne en Anatolie.
30/10/1400, prise d’Alep (massacre et pyramides de têtes) .
1400, siège de Damas.
25 mars 1401, prise de Damas et incendie la ville et la mosquée des Omeyyades du 8ème siècle. En 1401, à Damas, en Syrie, Tamerlan répondit aux cris de pitié que lui lançaient des milliers d’habitants de la ville, accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, en leur disant de se réfugier dans la grande mosquée. Selon un historien du temps, ses lieutenants poussèrent 30 000 femmes, enfants, prêtres et autres réfugiés dans l’édifice de bois, fermèrent toutes les issues, puis mirent le feu à l’énorme sanctuaire.
9/7/1401, Tamerlan retourne en Iraq où Ahmed Djélaïr, le sultan de Bagdad, est revenu après sa fuite en Egypte. Bagdad est prise à nouveau.
1402, Tamerlan quitte le Karabagh pour l’Anatolie Ottomane. Prise de la forteresse de Kamakh par son petit-fils Muhammad Sultan.
4/4/1402, Tamerlan passe en revue ses troupes dans la plaine de Sivas de l’aube au milieu de la journée.
21/7/1402 Victoire d’Angora. La ville capitule à la première sommation et n’est condamnée qu’à payer un impôt et une rançon. Le sultan Bayezid est fait prisonnier. Le témoignage d’Ibn Arabchah selon lequel Bayezid est enfermé dans une cage de fer, est faux, car Tamerlan est plein d’attention pour un si noble adversaire.
9/3/1403 Bayezid meurt à Akchehir d’une attaque d’apoplexie.
3/8/1402, Muhammad Sultan pille le palais de Brousse. Tamerlan libère des chevaliers Français prisonniers.
décembre 1402 Smyrne, ville chrétienne des Chevaliers Hospitaliers de Rhodes, est prise et pillée. L’escadre de Rhodes arrivant en renfort est bombardée de têtes coupées.
13 mars 1403, mort de Muhammad Sultan petit-fils de Tamerlan désigné pour être son successeur.
1403, son petit-fils Abu Bakr reconquiert Bagdad contre Kara Yusuf, le chef de la Horde des Qara-Qoyounlou (Mouton Noir).
1404, retour de Tamerlan à Samarkande, pendant l’été il convoque une assemblée et répartit son empire entre ses fils et petits-fils.
Janvier 1405, Tamerlan emmène son armée en Chine…
19/1/1405, à la halte d’Otrar, Tamerlan meurt âgé de 69 ans.
Voici comment le décrit l’historien Ibn Arabchah :
«Tamerlan était particulièrement grand et robuste. Il avait une tête massive au front élevé, la peau blanche et saine, une belle allure, les épaules larges, les jambes longues et les mains puissantes. Il était manchot et boiteux du côté droit, portait la barbe longue. La lueur de son regard était difficile à supporter et sa voix était haute et profonde. »
Une autre description, faite par les archéologues soviétiques suite à l’exhumation de son corps en 1941 :
« Le squelette est celui d’un homme roux, infirme, qui a dû mesurer 1,70m. Il porte des traces visibles de blessures et de déformations. Les os de la jambe droite sont plus minces et plus courts que ceux de la gauche, et un gros cal les soude au niveau de la rotule, pas suffisant pour paralyser le membre mais assez pour rendre la marche claudicante et pénible. Un autre cal, à l’articulation du coude droit, indique que le bras ne pu se plier normalement. A la main une troisième blessure avait déformé et figé l’index. »
Et voici le portrait de sa tête reconstituée à partir du crâne et que l’on peut voir au musée de l’Observatoire d’Ulug Beg :
« L’expression est dure, farouche, sans aucune humanité. Les yeux très expressifs sont petits, assez fendus mais non bridés, avec des paupières lourdes, des poches, des sourcils puissants et très arqués. Le faciès n’est pas mongoloïde, bien que les pommettes soient saillantes ; le visage est strié de rides profondes. Le nez est droit, court, un peu épaté, les lèvres lippues, charnelles et méprisantes, une moustache les encadre et tombe assez bas sur le menton. La barbe, taillée en pointe, couvre un menton carrée, volontaire.»